Fall in mode

[LA BEAUTÉ NOIRE RÉINVENTEE] #2 La dépigmentation : lorsque des personnes veulent faire peau neuve, sans savoir qu’elles risquent leurs peaux.

On entend ce genre de phrases assez fréquemment dans notre entourage.
Véritable fléau, la dépigmentation n’a cessé de gagner du terrain ces dernières années. En plus d’être prisée en Côte d’Ivoire, elle a su gagner le cœur, sinon la peau des femmes de la sous-région (Bénin, Burkina Faso, Sénégal, Mali, Togo…). Elle touche maintenant tous les genres : femmes et hommes, toutes les classes de la société, des analphabètes aux lettrées, des moins nanties aux plus aisées, parce qu’il faut le dire, l’une des forces des produits éclaircissants aussi appelé Tchatcho dans notre jargon est qu’ils ont su s’adapter à toutes les poches. N’étant pas assez conscientes du risque auquel elles s’exposent, ces personnes deviennent de plus en plus addicted aux différents types qui existent : les lotions, savons, crèmes, tubes, huiles.
Les raisons qui poussent des personnes à se dépigmenter la peau sont diverses : l’envie de plaire aux hommes car le teint clair est considéré comme un “critère de beauté” de quoi frustrer celles qui ont le teint ébène, le manque de confiance en soi et l’envie de ressembler aux autres, l’effet de mode, mimétisme, la pression ou encouragement du conjoint …
Quoiqu’il en soit, ce phénomène prend une ampleur considérable et toutes les mises en garde ne semblent pas décourager ses adeptes.
Vous pourrez reconnaître les utilisateurs de ces produits grâce à :
·         L’odeur souvent très forte que leurs corps dégagent due à la composition douteuse de ces mixtures et de l’effet du soleil et de la chaleur.
·          La peau qui vire au rouge, le visage qui est bien plus clair que les autres parties du corps, de nombreuses tâches et des vergetures.
·         Des zones “témoins” telles que les coudes, les phalanges, les orteils qui sont plus résistantes et qui refusent de céder face à ces agressions.

Car disons-le, ce sont des agressions terribles que la peau endure lorsqu’on décide de la faire passer du noir au clair.  Le problème est que lorsqu’on commence à se dépigmenter la peau, on ne peut plus s’arrêter, et plus on le fait, plus la peau devient fragile et malade avec des dégâts très visibles. On se rend tout de suite compte que c’est un cercle vicieux duquel il est difficile de s’en sortir. Certains diront qu’il y’a des méthodes qui marchent très bien et qui ne détériorent pas la peau telles que les injections. Sauf que cela peut s’avérer être plus dangereux vu que la substance est directement en contact et mêlée avec le sang. À long ou court terme, le résultat est le même pour toutes les méthodes employées : regrets, honte qui poussent à se couvrir tout le corps avant de mettre les pieds dehors, détérioration de la peau, maladies, cancer de peau et la mort, car oui certaines personnes ont déjà succombé sous l’effet de ces substances chimiques toxiques.
Plusieurs femmes ne jurent plus que par cela et veulent toutes avoir des teints “clairs” ou “métissés”. Mais au milieu cette propagande et en quête de plus d’informations, nous avons décidé de rencontrer des femmes qui se dépigmentent mais aussi  des jeune femmes qui ont choisi de ne pas céder à cette pratique mais de plutôt assumer le teint d’ébène qu’elles ont et d’en être fières. Nous avons ainsi recueilli leurs témoignages.

Nathalie* est étudiante en fin de cycle d’ingénieur. Elle est se dépigmente la peau depuis presque 6 ans et nous explique pourquoi.

Je me dépigmente par choix. Certains disent qu’on le fait pour plaire aux hommes mais ce n’est pas mon cas. Je me trouve plus belle claire et je trouve mon teint propre. Je choisis des produits de qualité, et je fais attention à ne pas mettre ma santé en danger. Je suis libre de faire de ma peau ce que je veux et je ne pense pas que ça concerne quelqu’un d’autre que moi. Si d’autres s’aiment noirs, je me préfère plus claire et je compte continuer jusqu’à avoir l’air métisse.

Clotide a la cinquantaine. Les produits éclaircissants, elle connaît bien. Elle fait partie des premières à les avoir utilisé dans les années 90 dès leur entrée sur le marché ivoirien.

J’utilise les produits éclaircissants depuis de nombreuses années. J’avoue que dans ma jeunesse j’ai eu beaucoup de succès auprès des hommes grâce à mon teint clair. Certains ne m’abordait que pour ça. Il y a des périodes où j’ai dû arrêter de les utiliser , notamment pendant mes grossesses mais je reprenais tout juste après. Aujourd’hui, je suis un peu enfermée dans ce cercle parce que tout le monde m’a connu clair à part ma famille et mes proches et chaque fois que je tente d’arrêter, j’ai toujours des remarques sur le fait que j’ai noirci et que ça ne me va pas. Je me retrouve à recommencer à les utiliser.

Malika, étudiante d’une vingtaine d’années qui a toujours refusé de se dépigmenter nous donne son témoignage.

 Je pense que la dépigmentation est un phénomène de rabais, ou de refoulement de son Africanité. C’est aussi une tendance pour les adeptes. De nombreuses femmes s’éclaircissent le teint parce que la société met en avant un certain genre de beauté. On nous fait croire que pour être belle on doit avoir une peau plus claire. C’est devenu un gage de beauté, on peut le remarquer un peu partout autour de nous (émissions de télé, clip vidéos, publicités). Tout le monde veut ressembler à Kim Kardashian ou autres.
J’avoue avoir été complexée par mon teint vu que tout le monde autour de moi avait une peau claire ou métissée. Mais avec le temps j’ai appris à m’aimer et à gagner confiance en moi surtout avec les compliments de gens dans la rue qui s’étonnent encore de croiser une personne de ma carnation parce que selon elles, « il n’y a plus de femmes noires à Abidjan ».Une de mes amies m’a récemment confessé qu’en me voyant, elle regrettait amèrement d’avoir changé de carnation et qu’elle donnerait tout pour retrouver son teint initial, mais elle a atteint un stade de dépigmentation qui l’empêchera de retrouver son teint noir même si elle arrêtait. Je l’ai tout de même exhortée à considérablement diminuer les doses qu’elle utilisait à défaut de totalement arrêter pour sa propre santé.

Concluons sur cette splendide note de Reine* qui affirme :

Je suis noire, et j’aime mon teint, je suis fière de la mélanine dans mon corps. Je pense honnêtement que les personnes qui se dépigmentent la peau souffrent d’un grand manque de confiance en elles. Nous les filles noires, sommes en voie de disparition, j’exhorte donc mes sœurs avec encore le teint d’ébène à le garder et à en être fières. Il n’y a pas de retour en arrière lorsqu’on commence à changer de couleur de peau, on est confronté à des maladies et pleins d’autres choses néfastes pour le corps d’une personne.
Je suis noire comme le cacao, je suis noire comme la couleur de mon café.

Comme ces jeunes femmes, nous vous invitons à vous aimer tels que vous êtes et à accepter votre corps. Luttons contre la dépigmentation qui apporte plus de problèmes que de solutions, sensibilisons nos populations sur les dangers qu’elles courent pour surtout éviter les différentes maladies. Car il ne s’agit pas d’être noir, blanc, jaune, rouge ou vert, mais il s’agit d’être Bien dans sa peau et de s’aimer.

[LA BEAUTÉ NOIRE RÉINVENTEE] #2 La dépigmentation : lorsque des personnes veulent faire peau neuve, sans savoir qu’elles risquent leurs peaux. was last modified: juin 15th, 2017 by Stella Attiogbe
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