Fall in mode

VOGUE AFRICA : YES or NOT ?

Que questionne vraiment le Vogue Africa désiré par Naomi Campbell ?

Ce n’est pas la première fois que l’on entend parler d’un Vogue Africa sur le continent. Depuis la création de “maquettes” par le Photographe Mario Epanya, cette idée n’a cessé de trotter dans les esprits des africains ou afro-modéïstes qui s’intéressent de près ou de loin à l’industrie bouillonnante que le monde de la mode africaine connaît ces dernières années.

Lors de l’Arise Fashion Week, la super model Naomi Campbell remet le sujet au goût du jour dans une interview qu’elle accorde à l’agence de presse Reuters. Elle ordonne au mastodonte Condé Nast de s’implanter en Afrique sous prétexte qu’ils ont longtemps négligé le continent.

Avis convergents ou divergents , cette annonce, aussi relayée soit elle a énormément questionné l’impact des africains sur la mode globale et a permis de réfléchir réellement sur le fait que des décideurs internationaux qui ne comprennent absolument pas l’industrie de la mode africaine se porte garant de la création d’un média. Média qui, englobera 54 pays, langues et cultures multiples.

Mais pour justifier cette prise de parole, revenons à la genèse. C’est à dire l’implantation des médias modes en Afrique du Sud avant de découler sur l’Afrique entière.

L’apparition des médias tels que Marie Claire, Glamour et Elle South Africa, propriétaire du groupe Français Lagardère (Pour info, Elle et Elle Décoration appartiennent désormais sous forme de licence au groupe sud Africain N’Dalo Média) fut éffectif à la fin des années 90. Une période victorieuse, qui conduisit à un boom économique majeur dû à la fin de l’apartheid. L’Afrique du Sud, premier pays africain instauré dans les BRICS aux côté de la Chine, première puissance mondiale, a vu naître une nouvelle opulence. C’est ainsi que le groupe Sud-africain Richemont pris possession lors des batailles entre PPR(actuel Kering) et LVMH des marques tels que Chloé et Cartier. Ils détiennent aujourd’hui Lancel, Van Cleef & Arpel et plusieurs autres marques de luxes.

Conscient de l’appartenance de ces marques par des Sud-Africains et de l’ouverture de boutiques de luxe sur la terre de Mandela, les magazines ont vu en ce pays, une opportunité pour l’édition mais aussi une opportunité pour leurs annonceurs. De plus, le gouvernement ayant soutenu massivement l’industrie, a structuré le marché global.

Si des marques propres aux investissements médias de Condé Nast étaient installées en Afrique du Sud (Louis Vuitton, Chanel et toutes autres marques Kering et LVMH) il y aurait eu depuis des années un Vogue South Africa. Vu que les marques, qui soutiennent financièrement l’empire médiatique ne s’y étaient pas implantées en masse comme la Chine, pourquoi viendraient elles ?

Mais revenons aux faits. Pourquoi le Vogue Africa ne fera absolument pas la promotion de nos créateurs et de nos cultures ?

Tout simplement parce que, Vogue a été créé pour vendre une vision occidentalisée de la mode. La majorité de leurs covers que ce soit dans des pays tels que l’Inde ou la Chine sont faites par des mannequins occidentaux et américains avec comme vêtements et accessoires, ceux des annonceurs.
Dans une période où ils réduisent leur périodicité et suppriment le Print du Teen Vogue alors qu’ils subissaient une excellente croissance en matière de ventes et de trafic, nous devrions nous poser des questions quant à leur implantation sur le continent. La plupart de leurs revenus proviennent aujourd’hui de deux choses : le trafic généré sur internet et les réseaux sociaux qui leur permettent des revenus publicitaires et les publicités sur page de papier glacé dans les magazines Print faites par les annonceurs (les marques de luxe). Les africains voulant leurs créations dans le Vogue Africa, cela aurait été particulièrement difficile vu que les marques africaines, pour la plupart manquent de structures et n’auraient pas les moyens d’investir dans les prix exorbitants de la publicité chez Condé Nast. Ce qui constitue un cercle vicieux. Les annonceurs ne s’installent pas au vu des conditions politico-économiques et les marques implantées ne peuvent pas payer pour de la pub. Résultat : aucune implantation sur le continent.

De plus, lorsqu’on analyse la version arabe du Vogue, nous constatons que les pays maghrébins sont délaissés dans l’éditorial au profit des pays tels que les Émirates et le Qatar, plus friands de produits de luxe et plus consommateurs que tout le continent réuni.

Alors avant de demander un Vogue Africa, que faire des magazines déjà existant sur le continent ?

Depuis 2009, Sarah Diouf se bat pour une meilleure représentation  du continent. Pourquoi ne pas investir dans son magazine ? Largardère, groupe français de l’édition assez conservateur a été l’un des premiers à croire en l’immense talent africain en implantant des versions africaines de ses magazines comme en Côte d’Ivoire avec Elle CI. Pourquoi ne pas soutenir ceux qui nous ont soutenu depuis le début ? Avec Fall In Mode, nous essayons de promouvoir ce qui se fait sur le contient et au delà. Nous citerons BTendance, Milc, Schick et Geneviève Magazine au Nigeria ou encore Nataal et les éditions Elle et Glamour sud-africaines. Pourquoi attendre la validation des autres alors que les africains eux même se battent pour une meilleure histoire de leur continent ?

Il n’existe pas de “Vogue Europe”, ou de “Vogue Asie”, par exemple. L’ Afrique n’a pas besoin d’un Vogue Africa car elle est multiple et exige 54 manières de la raconter. L’ Afrique n’a pas besoin d’un Vogue Africa car le suivi éditorial du Vogue ne correspond en aucun cas à la narrative de notre continent.

L’ Afrique a tout d’abord besoin de structurer son industrie de la mode et de faire avancer, avec elle, ceux qui LA font aujourd’hui et se sont toujours battus pour le faire.

En attendant, Conde Nast n’a fait aucun commentaire sur le sujet pour le moment.Vous devinez que les réseaux sociaux été en alerte face à cette idée.

 

Jean-Jacques SACRE

VOGUE AFRICA : YES or NOT ? was last modified: avril 6th, 2018 by Christ-Yvan
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