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[SPÉCIAL PRÊT-A-PORTER] Malick D’Almeida: Je suis têtu

Je suis Malick D’Almeida, fondateur de la marque YKVZ. C’est une marque de vêtements streetwear fondée à Montréal en 2012. Notre activité a réellement commencé en Janvier 2016. Au début les vêtements que nous faisions étaient pour nous, c’était juste entre nous. C’est en 2016 que nous avons lancé notre site web et que nous avons commencé à nous ouvrir au grand public, toujours à Montréal. Nous avons cependant rencontré des soucis de production vu que celle-ci se faisait au Pakistan. Je suis donc rentré en Côte d’Ivoire en février 2016 dans le but de voir si c’était possible de délocaliser la production ici. Pour des soucis de qualité, nous ne voulions pas aller produire en Chine, c’est pour cela que nous avons porté notre choix sur la Côte d’Ivoire. Et nous avons vu qu’il était possible de produire ici. Des entreprises le faisaient déjà mais elles étaient plus orientées production de masse que prêt-à-porter. Nous avons donc saisi l’occasion et c’est de là qu’est partie la boutique Atelier têtu, qui est censée être la boutique qui distribue les vêtements de la marque YKVZ. Mais nous ne voulons pas nous arrêter là, nous voulons aussi distribuer des vêtements d’autres marques Africaines.

Déjà Atelier têtu c’est un concept store de distribution de vêtements. Et au-delà des vêtements, nous voulons aussi distribuer des œuvres d’art, des accessoires et plusieurs autres choses, mais toujours d’origine africaine. C’est pour cela que nous avons essayé de représenter la boutique comme une galerie. Nous avons aussi la préparation de notre boutique en ligne qui sera disponible ce mois d’octobre.

Rires. Il faut dire qu’au début ce nom comme étant celui d’une boutique apparaissait plus comme une blague qu’autre chose. J’avais plusieurs projets dans lesquels je me suis lancé, je voulais tout faire en même temps. Et lorsque j’en parlais avec mes mentors, ils me donnaient des conseils mais je ne les suivais pas vraiment. Tout le monde me répétait « tu es têtu » y compris ma mère. Alors je me suis dit, vu que vous pensez tous que je suis têtu, je vais d’ailleurs faire quelque chose que je vais appeler Atelier têtu. Rires. Mais je ne savais absolument pas ce que ça allait donner. Lorsque je suis rentré en Mai pour voir la production, je me suis rendu compte que des gens venaient acheter des vêtements YKVZ et il n’était pas bon qu’ils continuent d’acheter dans la salle des machines. On a donc décidé d’ouvrir un endroit convenable où ils pourraient faire leurs achats. Et Dieu merci ce nom a eu l’effet que nous voulions, c’est un nom que personne n’oublie et qui marque les esprits. En même temps il représente bien le côté têtu de la chose Parce que c’était un pari d’ouvrir un atelier de couture en plein Deux-plateaux alors que généralement les autres marques ont les leur à Adjamé. Et les réalités ne sont pas les mêmes avec la main d’œuvre et les salaires. Mais on essaie de gagner ce pari.

YKAZ, qui est un mot turc qui veut dire « attention ». Alors notre logo capte assez l’attention, tous ceux qui le voient se posent des questions. Il y’a des gens qui ne savent même pas comment le prononcer mais qui sont quand même intrigués. Le logo s’allume aussi dans le noir, ce qui attire encore plus. Le V est juste un A renversé.

Alors j’ai quitté la maison familiale pour Montréal en 2008. J’y ai fait mes études secondaires et universitaires. Je suis économiste et financier de formation et je suis dans un domaine qui n’a rien à voir avec ma formation. C’est lors de ma dernière année que j’ai eu le déclic. Je me suis dit que j’allais rentrer pour travailler en Banque, je n’avais donc rien à perdre et j’ai décidé d’entreprendre. Des amis m’ont conseillé et ils ont été d’une grande motivation.

Nous n’avons pas vraiment fait le lancement officiel de YKVZ, c’était plus celui de l’Atelier têtu. C’est vrai qu’au niveau de la communication les gens ont un peu mélangé les deux. Mais c’est quelque chose que nous allons corriger en les dissociant l’un de l’autre. Mais Dieu merci, nous avons eu de bons retours et nous sommes quand même pas mal satisfaits. Nous sommes connus et tous ceux qui passent nous connaissent. On peut donc dire que la marque a reçu un accueil favorable. C’est aussi à vous de nous dire si tout va bien. Rires.

En tant que marque, nous préparons d’abord les capsules, parce que nous fonctionnons plus en termes de capsules que de collection. On part sur un thème que nous essayons de travailler avec la directrice artistique et les différents designers. Après chacun essaie d’apporter ses idées et propositions qui pourraient s’aligner sur le thème. Ensuite nous décidons des matières à utiliser, puis ça passe à l’échantillon et les essayages. Si tout est validé et retenu nous passons à la production.
Nous faisons toute la production dans nos ateliers, c’est difficile mais nous espérons pouvoir tenir longtemps.

Déjà parce que j’espère qu’ils trouvent ça beau. Je suis un mauvais commercial. Rires. Je leur dirai d’acheter parce qu’ils aiment et que ça leur plaît. Aussi nous nous focalisons sur la qualité en choisissant nos matières premières avec grand soin tout en gardant toujours ce look épuré et minimaliste qui plaît. On essaye d’innover et de moderniser le prêt-à-porter Africain en y incorporant des matières assez nouvelles.

C’est quand même vrai parce qu’on a les couturiers de quartier et avec très peu de moyen, chacun peut s’offrir une tenue. Ce qui fait que le prêt-à-porter est un peu plus cher. Il s’adresse donc à une certaine catégorie de personnes vu que les autres préfèrent acheter des friperies en raison des prix bas. Mais le niveau de vie est en train d’augmenter, même les classes moyennes peuvent s’en offrir. En raison des coûts de production, le prêt-à-porter ne peut s’aligner sur des prix bas. Mais plus il y’aura d’acteurs du prêt-à-porter et plus les prix iront à la baisse. Produire en Chine réduit sérieusement les coûts de production, mais il faut être têtu pour chercher à forcer et produire ici. Rires.

Pour tout vous dire, lorsque je suis revenu ici, c’était juste pour acheter le matériel, le déposer, monter une petite structure de production et retourner au Canada. Je suis venu en Mai et mon billet retour était pour le 1er Juin, finalement je suis reparti un an après. J’ai trouvé des opportunités et vu que je suis un homme d’affaire je suis resté. Il y’a des projets qui me tiennent à cœur et je ne peux plus vraiment partir. Ça n’a pas vraiment été un choix, mais rester à Abidjan s’est imposé à moi mais je ne regrette pas.

Mon plus grand rêve serait de pouvoir voir les artistes et artisans Africains vivre de leur art. On voit plusieurs artistes qui font des choses merveilleuses mais malheureusement ils n’arrivent pas à s’en sortir ou à joindre les deux bouts. Ce sont des choses qui marchent très bien en Europe ou aux Etats-Unis mais ce n’est pas le cas ici. Ils n’arrivent même pas à avoir le SMIG. Nous voulons promouvoir le travail qu’ils font, et peut-être même exporter tout ça. Donc mon plus grand rêve serait d’aider une bonne partie des artisans Africains à vivre correctement de leur art et améliorer leur qualité de vie.

Alors merci pour l’interview. Félicitations aussi à toute l’équipe de Fall in Mode parce que vous faites du bon travail.
Encore merci et n’hésitez pas à passe à la boutique de temps en temps.

Crédit Photo: Philippe Loret Studios

[SPÉCIAL PRÊT-A-PORTER] Malick D’Almeida: Je suis têtu was last modified: octobre 20th, 2017 by Stella Attiogbe
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