Fall in mode

[SPECIAL PRET-A-PORTER] Le prêt-à-porter made in Côte d’Ivoire, ça vous dit?!

L’industrie du prêt-à-porter brasse des millions chaque année, ce sont des milliers d’emplois qui sont créés. Il est rattaché à plusieurs autres professions, du maquillage à la musique, en passant par le cinéma et l’art, pour ne citer que ceux-là. L’industrie du prêt-à-porter fait vivre, c’est une machine gigantesque. Mais force est de constater que sous nos cieux Ivoiriens, le résultat n’est pas à la hauteur. Nous vous rassurons tout de suite, ce n’est pas par manque de designers ou de créativité, les clients ne répondent tout simplement pas à l’appel. Il y’a quelques temps, nous nous demandions notre éditorial si le prêt-à-porter pourrait être l’avenir de l’économie africaine. Un pari fou, mais réalisable si et seulement si nous consommions Africains au lieu de dépenser des sommes astronomiques dans des créations occidentales.

Nous avons donc voulu approfondir ce sujet, savoir quel était le frein à l’expansion du prêt à porter Africain en allant directement à la rencontre des principaux concernés : les clients. Avec leurs apports, nous avons pu cerner les problèmes et les regrouper en points qui sont les suivants.

 Faits constatés et problèmes évoqués.

1- Prix, manque de communication et d’attractivité des produits

Tous sont unanimes, les tenues de prêt-à-porter sont trop chères. Jugées inaccessibles, plusieurs n’osent même pas penser à en acheter alors que cela est un cliché. Aussi la communication faite autour n’est pas effective, pour certains elles n’existent même pas.
Voici quelques avis recueillis :

 Moi j’aimerais bien consommer du prêt-à-porter ivoirien mais je trouve que très peu de promotion est faite sur ces produits par leur concepteur. De plus quand c’est connu, ce n’est pas forcément accessible à tout le monde. Ça reste un vêtement haut de gamme qui est destiné à certains privilégiés.
Ce que je déplore aussi , c’est de voir que pour certains modèles, les matières premières sont issues de nos marchés. À quoi ça sert d’acheter une chemise à 35000 FCFA qui est cousue avec un tissu que je peux acheter à 3000 FCFA et faire coudre par mon couturier du quartier à 5000 FCFA?.  Fourier Badou

 

Pour ma part je pense que le problème des ventes n’est pas que les ivoiriens ne veulent pas consommer local, ce n’est sans doute pas en premier lieu une question de volonté mais une question de prix. Quand une tenue du marché est à la mode, les Ivoiriens ne se font pas prier pour l’acheter parce que la tenue est facilement accessible et son prix l’est aussi. Et dans ce cas-ci, vu que cette tenue a été faite de mains de maîtres, et surtout qu’il s’agit d’un styliste de renommée nationale voire internationale, qui se risquerait alors à vouloir essayer de se procurer cette œuvre textile quand bien même elle serait locale ?  Ghislaine N’Dri

 

Premièrement, porter local est un désir pour moi mais j’ai bien peur que cela ne s’arrête qu’au mot DÉSIR ou même RÊVE parce que ça coûte cher de s’offrir ces créations . Quand je vois quelqu’un me dire “Je porte du Gilles Touré , ou du Pathéo ou même du Ciss St Moïse ” , je me dis automatiquement que la personne a “un peu” à la banque (ndlr : cette dernière est nantie) . Tout ça pour dire que c’est coûteux donc il y’a cet aspect à revoir .
Deuxièmement , on en sait rien des collections de prêt-à-porter de nos créateurs locaux parce que justement il n’y a pas de promotion adéquate. En gros , de nos jours , tout se fait avec les réseaux sociaux donc si les créateurs pouvaient s’en servir pour informer tout le monde de leur collection, il  allait avoir du mieux côté vente . Gaha Guy Claude Yann

 

Je me suis toujours posée la question de savoir pourquoi la cible, c’est-à-dire l’ivoirien moyen préfère acheter du prêt-à-porter d’ailleurs au lieu de consommer local surtout qu’il n’y a que des avantages: vêtements originaux et uniques. Après souvent la qualité et les finitions font défaut ou tout simplement la communication. Nos créateurs doivent attirer la cible, communiquer plus, travailler sur la qualité de leurs tenues. A nous aussi de faire des efforts pour encourager nos talents, depuis un moment j’offre en cadeau d’anniversaire que des tenues de créateurs ivoiriens: budget : 20 000 f en moyenne Fanta

 

Après moi je pense que le principal problème n’est même pas dans les prix, ni la création. Le principal problème pour moi réside dans l’attractivité du produit. On peut remarquer au Nigéria à quel point les femmes qu’elles soient de classes moyennes ou aisées achètent facilement local. C’est parce que les créateurs ont réussis à rendre leurs produits attractif en embauchant des attachés de presse et en proposant leurs produits à la presse. Il faudrait suivre alors cet exemple pour moi.  Jean-Jacques Sacré

2- Problème culturel, complexe de l’africain

Certains pensent que le problème est bien plus profond qu’il en a l’air et qu’il serait lié à la culture qui nous a été inculquée, d’où le complexe que certains Africains ont développé. L’éducation de certains les a poussés à grandir en pensant que les tenues de l’occident sont meilleures que les productions locales.

Il y’a aussi le complexe qu’a l’Africain vis à vis de la culture des occidentaux. Ça fait plus chic, plus distingué de porter des Louboutins que de porter les créations locales. Des polos griffés en vogue à Paris, la dernière collection d’été etc. Habillé ainsi je suis un vrai, un dur… Mais du Patheo, du Gilles Touré bof….une fois en passant ou peut-être pour le dimanche.  Felix Ekanza Andromel

 

Je pense qu’il y va aussi un problème de culture/éducation…
Quand tu grandis en ne portant que des habits venant de l’étranger qui sont dits meilleurs que les locaux, en grandissant tu continueras sur cette lancée ….C’est aussi un facteur non négligeable . Cherif Salah

3- Manque d’éducation sur la mode, cercle restreint

 Il est vrai que nous devons aider nos créateurs mais reconnaissons que côté promotion ce n’est pas très fameux. On ne sait pas ce qu’ils font si on assiste pas aux défilés. Or peu de personnes vont aux défilés.
Fourier Badou

 

Ici on ne voit les nouvelles créations qu à des défilés ou dans des magazines de mode qui ne suscitent pas forcément l’attention d’une bonne partie des ivoiriens, du coup la mode, la Véritable, en Côte d’Ivoire et peut-être même en Afrique est assez ”Sélect”. Et donc elle a fini par être catégorisée aussi aux yeux des ivoiriens parce qu’on connaît déjà la trempe de ceux qui en sont proches et qui réussissent à y accéder. En plus beaucoup se demandent souvent à quelle occasion ils peuvent porter certains vêtements avant même de songer à vouloir se les procurer, et généralement ils n’en trouvent aucun. Je pense donc qu’il y a un problème de sensibilisation ou alors un problème de recadrage. Sensibilisation parce qu’en Afrique, on commence à peine à savoir agencer les couleurs mais on n’a pas encore cette culture de la Mode. Donc pour pouvoir vendre c’est aussi un aspect à prendre en compte. Recadrage dans le sens où beaucoup connaissent mais ne s’y intéressent pas malgré tout, donc dans ce cas il faudrait pouvoir les amener à s’y intéresser sinon se tourner vers d’autres cieux où se trouvent réellement des personnes intéressées. Ghislaine N’dri

 

Solutions proposées

Les principaux aspects pouvant être des freins à l’expansion du prêt à porter en Côte d’Ivoire ont été listés. Mais le but de cet article étant de palier à ces problèmes nous avons aussi invités nos intervenants à proposer des solutions.
– Ainsi, Amenan Tanoh affirme que si les coûts sont élevés, c’est justement parce que les ventes ne sont pas à la hauteur. Elle se base sur un simple principe : l’économie d’échelle.

Plus on produit et plus les coûts de production baissent. Mais les charges étant élevées et les designers ne pouvant prendre le risque de produire en grande quantité à cause de la trop faible demande sont obligés de produire peu ce qui se répercute sur les prix de vente.

Elle propose donc « d’aider les designers à nous aider en achetant plus ».

– Plusieurs Ivoiriens ou Africains ne sont pas informés des créations des stylistes Ivoiriens. Certains même ont eu à nous poser la question à savoir si « Le prêt à porter Ivoirien existait vraiment ». Cela témoigne du manque de communication crucial autour de ce secteur. Il incombera donc aux créateurs de revoir sinon implémenter une stratégie de communication effective afin de mieux atteindre leurs différentes cibles.

– Concernant le manque de vulgarisation des produits, un débat persiste. Celui de savoir si les créateurs doivent exposer leurs produits dans les grandes surfaces et autres, ce qui reviendrait à faire du fast fashion qui va même à l’encontre de l’esprit du prêt-à-porter. Il serait donc préférable de trouver le juste milieu en permettant aux clients d’avoir une meilleure accessibilité aux articles mais en gardant toujours l’esprit du prêt-à-porter.

– Le manque d’éducation sur la mode reste un problème assez important. Les Ivoiriens commencent à peine à s’y intéresser et beaucoup reste encore à faire. La majorité ne se soucie pas vraiment des détails, des finitions ou encore de la qualité supérieure. Ce qui fait que lorsqu’un designer sort une création c’est facile de retrouver les tissus sur les marchés et de le donner à un couturier de quartier pour qu’il reproduise la même chose. Il faut donc sensibiliser les futurs clients, les éduquer sur la mode. Il faut trouver des méthodes assez intéressante pour qu’ils s’y intéressent et qu’ils comprennent que la mode n’est pas que pour les blogueurs ou les mannequins. L’organisation d’ateliers modes ou de plus défilés suivis d’explications et de discussions avec les précurseurs dans ce domaine pourrait aider.

La mode n’est pas que pour les blogueurs ou les mannequins.

Il faudrait aussi revaloriser notre culture à travers les différentes créations et montrer que nous sommes fiers de porter nos couleurs ou notre histoire. Il faut briser cette culture de l’occident et converger vers une appréciation de notre patrimoine culturel en termes de mode vestimentaire. A l’image des Nigérians et Nanawax qui ont réussi le pari de miser sur notre culture et d’utiliser des matières locales telles que le Bogolan et autres pagnes traditionnels Africains afin d’attirer plus de clients qui sont de plus en plus fier de valoriser la culture Africaine.

Au terme de notre analyse, il en ressort que le prêt-à-porter a un avenir plus que prometteur en Côte d’Ivoire et peut devenir un moteur de l’économie. En dépit des problèmes que le secteur rencontre, la demande y est et plusieurs sont prêts à mettre le prix si ils sont bien informés et que la qualité et la créativité sont au rendez-vous. Il revient donc aux créateurs de trouver le juste milieu en usant d’une communication effective afin de mieux promouvoir leur création et de les rendre accessibles aux consommateurs. Terminons sur la note de ce jeune créateur Ivoirien qui nous prouve que le prêt-à-porter peut se révéler être un très bon secteur économique si les bons ingrédients sont réunis.

 Moi je me suis essayé au prêt-à-porter et je n’ai pas eu de problèmes de vente. Bien au contraire !
Je pense qu’il faut proposer des choses selon une cible bien précise. Etudier tout le reste en fonction de votre cible. » Ibrahim Fernandez

Propos recueillis lors d’un débat sur le groupe We Fall In Mode

[SPECIAL PRET-A-PORTER] Le prêt-à-porter made in Côte d’Ivoire, ça vous dit?! was last modified: septembre 21st, 2017 by Stella Attiogbe
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