“Zanotti Zanotti Gucci Versace, La sape de qualité ” Certains penseront à Booba ou un autre artiste de la sphère américaine ou européenne mais Non, il s’agissait bien des paroles du dernier single de l’artiste Serge Beynaud. Entre l’envie de rentrer dans la norme et gagner de nouveaux publics, les stars ivoiriennes s’habillent comme les stars occidentales, portant des marques européennes et sont fières de les arborer dans leurs clips. Manque de soutien de la part des artistes ivoiriens ou manque de promotion des marques à travers ces artistes ? Dossier.
L’industrie de la mode ivoirienne a brillé cette année. Des événements à la fois people et Business ont émergé sur le pays depuis le début de l’année 2014. Selon le site Business Of Fashion, la mode ivoirienne aurait un capital économique de plus 450 millions d’euros, devant le Sénégal, ce qui illustre bel et bien la force de notre industrie. Il y’a quelques mois, se sont déroulés les Awards du coupé décalé, l’un des événements les plus attendus en Côte d’Ivoire. Comme les grandes cérémonies de récompenses, les tenues doivent être mises à l’honneur. Les grands couturiers, lors des cérémonies internationales, ou plus près, lors des cérémonies nigérianes se battent pour quelles stars en vogue porteront leurs créations. À Abidjan ? On a vu défiler un panorama successif de grandes marques, mais certainement pas de marques africaines, encore moins ivoiriennes.
LA FAUTE AUX ARTISTES ?
Oui. Le consommer local est un sujet tabou chez les ivoiriens et les africains en général. Le manque de considération et de valeur de La mode africaine à leurs yeux les pousse à porter de grands créateurs, symbole de richesse et de qualité. Mais entre ces stéréotypes et le grandissement de la classe moyenne ivoirienne, qui consommera local ? Telle est la question et c’est dans ce cas que les artistes doivent être les pionniers de cette nouvelle consommation. Ayant une visibilité énorme sur toutes les générations et prescripteurs de tendances qu’elles soient musicales, artistiques ou vestimentaires, les artistes du pays doivent d’abord être les premiers consommateurs, testeurs de produits, mais aussi être le garant de leur économie.
Prenons l’exemple du Nigéria, car en la matière, ils ont exactement compris que le consommer local ne donnerait pas seulement une valeur ajoutée à leurs styles, mais doperait leur économie locale ou pousserait les individus à changer leurs perceptions culturelles sur les produits de leurs propres pays. Le consommer local est un acte de richesse incomparable. Attaché à leurs héritages et aux ADN de leurs de marques et produits, les nigérians n’ont pas peur de porter un créateur de leurs pays mais le prônent comme un soutien aux leurs et de leur économie textile. Leurs visions assez anglo-saxonnes sur le fait d’avoir un air « Centrisme » et protecteur. Chez eux, les tendances sont d’abord portées par leurs artistes, qui ensuite relaient sur leurs réseaux sociaux une très grande force d’appartenance à leurs cultures. Lors de la cérémonie de mariage traditionnel de Banky Wellington et Adesua Tomi, Un événement majeur a lancé la carrière d’un styliste nigérian. Le présentateur TV, Ebuka, porta un boubou (appelé « Agbada » au Nigeria), conçu par un créateur nigérian. Grâce à ce poste sur les réseaux sociaux, l’Agbada d’Ebuka apportera une visibilité sans précédent au styliste, qui gagna plus de 60 000 abonnées sur instagram. Imaginez alors, une tenue d’une styliste ivoirienne porté par les plus grandes stars du contient ou du pays.
L’inconscient collectif est aussi un enjeu majeur pour la consommation local en Afrique Francophone. Contrairement à la partie anglophone, notre système entretient encore des liens trop étroits avec la colonie, continuant ainsi de partager cette valeur assez utopique de la création à la française. Même si elle n’est pas la raison première, elle laisse à penser qu’une libération et une culturalisation de nos produits s’impose pour s’imprégner et pousser les nôtres à consommer nos biens.
Les magazines ivoiriens ont la capacité de créer un lien entre la marque (les annonceurs) et les artistes, musiciens de la Côte d’Ivoire, mais est ce que ces créateurs veulent que leurs produits soient portés par ces artistes. Est-ce seulement la faute des artistes ?
LES CRÉATEURS IVOIRIENS NE SONT PAS EN RESTE.
La mode aujourd’hui ne peut plus être un cocon fermé où seulement l’élite avait droit à la parole, et où les grands faiseurs d’achats étaient des personnes issues de classes aisées. Avec la démocratisation des influenceurs ou des prescripteurs de tendances, les grandes marques passent aujourd’hui par des personnes, qui ont de l’influence et qui partagent des messages qui sont en parfaite cohésion avec l’image de la marque. Très peu de marques ivoiriennes font appel aujourd’hui aux artistes ivoiriens pour porter leurs créations, telles que la marque Awalé Studios, avec Sidiki Diabaté pour le clip Désolé , Stelair, un rappeur ivoirien, qui est ambassadeur de la marque de prêt-à-porter GODWIN Collection ou encore Suspect 95 qui est le visage de la marque Madame Monsieur.
Pour assurer leur pérennité et ancrer leurs images et leurs produits dans le conscient collectif des consommateurs ivoiriens, les créateurs doivent chercher à collaborer avec ses artistes. Il faudrait non seulement que les artistes soutiennent les créateurs, mais aussi qu’il y’ait une forme de soutien stylistique de la part du créateur.
Le premier point qui aujourd’hui ne pousse pas les marques à collaborer avec les artistes, chanteurs ou présentateurs ivoiriens est que ces personnes ne prennent pas soin de leurs images et peuvent entacher l’image de la marque. De plus, lorsque ces artistes portent des créations, ils doivent en être le garant de cette marque, et véhiculer le bon message aux bons moments.
RASSEMBLER LES MARQUES ET LES ARTISTES AUTOURS DE PROFESSIONNELS.
Que faire donc pour que la mode ivoirienne soit soutenue par les artistes ? Pour 2018, il faudrait déjà que les artistes soient consommateurs des produits locaux. Avant de leur faire confiance, faudrait que ces artistes testent les produits, soient eux même acheteurs, avant de croire à cette internalisation des créations ivoiriennes. Les marques quant à elle, doivent suivre ces stars et savoir laquelle correspond parfaitement à l’image qu’elle souhaite véhiculer pour partager son message. De plus, Un carnet d’adresses de Show-room, d’attachés de presse et de journalistes s’impose pour pourvoir créer une relation professionnelle assez soutenue pour savoir quel impact a eu une star sur une tenue. Il faudrait une relation Artiste-Manager-Marque-Maison de Presse -Magazine afin qu’il y’ ait un suivi sur chaque décision concernant la marque et l’artiste.
Espérons qu’en 2018, faire le malin ne sera pas de porter du LV, mais porter du Loza ou du Pathéo.
Jean-Jacques Sacré