La mode, la mode, la mode. Monde dans lequel une forte économie se concentre et crée un mouvement de force, d’affirmation de valeurs et de points de vue. En effet, la mode aujourd’hui, ce n’est plus seulement qu’une expression de créativité, c’est un partage de valeurs, une forme de libre expression, une dénonciation des inégalités, des conflits et une guerre économique et capitaliste. Nous pouvons le constater avec Jean Paul Gaultier et le défilé avec des personnes déformées, pour dénoncer l’exclusion, Galliano pour Dior avec les SDF pour dénoncer la pauvreté et la solitude et Martin Margiela, avec son défilé dans l’un des quartiers les plus malfamés de la capitale parisienne, pour affirmer l’énorme fossé entre les habitants de la ville de la mode.
Mais aujourd’hui, le capitalisme prime sur la créativité : H&M, Zara, Uniqlo… Toutes des marques “mainstream” qui aujourd’hui, rivalisent avec les grands noms du luxe, pour offrir des vêtements et accessoires de qualité. Le street-wear, lui aussi domine les marches des défilés les plus prisés de la mode : Hood By Air, Off-White, Suprême et Pigalle.
Vous n’êtes pas sans savoir, que Louis Vuitton, grand mastodonte du luxe français et mondial s’est associé à l’une des marques les plus emblématiques du XXème siècle, symbole de la street-culture et du Skate : SUPRÊME. La question se pose alors : pourquoi bon nombre de grandes marques de luxes s’offrent -elles des collaborations avec des marques de Street/Sportwear ? Que cherchent-t-elles à exprimer ? Ces collaborations illustrent-t-elles un renouveau dans le monde du luxe, une association culturellement parlante ou une difficulté de ciblage de la nouvelle génération par les marques de luxe ?
- Ciblage d’un jeune public ou partage de valeurs ?
Il y’a de cela 17 ans, Louis Vuitton, este en justice contre la marque Suprême pour plagiat. En effet, Suprême avait, sur l’un de leurs skates, rajouté le célèbre hologramme de la marque de luxe. Alors, pourquoi collaborer avec elle 17 ans après ? Suprême n’a pas fait appel à Louis Vuitton. Louis Vuitton a fait appel à Suprême, comme le mentionnait Kyle Demers, Le créateur artistique de la marque américaine dans une interview pour WWD.
De nos jours, le luxe est considéré comme rare mais aussi « vieillot ». Louis Vuitton, le chef incontesté, perd lui-même en valeur à l’étranger, étant considéré comme une marque de « secrétaires » en Chine et au Japon. Certains journalistes décrivent cette collaboration comme un partage de valeurs, se rapprochant plus de la rareté des produits que de la divergence des matières, des consommateurs ou encore de la communication, qui est luxueuse et subjectif pour Louis Vuitton, mais très engagé, rock et objectif pour Suprême.
Nous penchons bien évidemment pour le ciblage d’un jeune public. Kim Jones l’a affirmé : « SUPRÊME reste et restera une marque intemporelle que ce soit chez les jeunes et les plus âgé(e)s, elle représente une libre expression, une nouvelle forme de vie. Elle est l’emblème de la street culture et du skate. » De plus, les consommateurs de Suprême ont moins de 35 ans, ce qui représente un public assez jeune et très centrée sur la culture skate. Louis Vuitton, par cette collaboration essaie de cibler ce genre de consommateurs, avides de collection inédite et prêt à dépenser une somme dérisoire pour la marque SUPRÊME. Elle ne prône aucun partage de valeurs, parce que Supreme n’a aucune valeur commune à Louis Vuitton, si ce n’est la rareté.
- La conscience street-wear
Vêtement x Reebok, Stella McCartney x Adidas, Balmain x Nike, H&M x Lanvin, Jeremy Scott x Adidas, toutes des marques de vêtements. De l’une, des marques de luxe, signifiant la rareté, l’évasion, la beauté et le luxe. De l’autre, des marques de sports, street-wear, ou des marques de vêtements de grandes consommations. Toutes des collaborations critiquées mais consommées. Oui, critiquées car ses marques de luxe s’associent avec des marques dites mainstream pour proposer du polyester à plus de 2000 euros et ne souhaitent aucunement rien d’autre que de développer leurs chiffres d’affaires et tester des stratégies marketing.
La conscience street-wear illustre bel et bien ces exemples. À 72 ans, le créateur japonais Yohji Yamamoto est l’un des créateurs les plus emblématiques de sa génération. Ce designer visionnaire avait compris avant et mieux que tout le monde la place capitale qu’allait occuper le sportswear sur le marché de la mode. Il avait compris mieux que quiconque, le tournent de la nouvelle génération, vers un amour profond de la rue et l’expression des personnes d’un milieu social différent. Prôneur d’un mouvement avant-gardiste et pionnier de l’avant-gardisme, il avait confié dans un mini-documentaire autobiographique « J’en avais assez de faire des vêtements de luxe. Il y a de cela 15 ans, j’ai senti que je m’étais trop éloigné de la rue, et j’avais presque perdu mon enthousiasme à l’idée de créer des vêtements ».
Alors oui, la conscience street-wear, elle est bien là et continue de se développer. Elle se développe tant que la nouvelle génération ne sait où donner de la tête. Par ces collaborations donc, ces marques de luxe veulent sensibiliser les jeunes à la conscience street-wear, mais à la conscience street-wear de luxe, qui sont totalement en désaccord avec leurs histoires, leurs images et celles qu’elles revendiquent. Le street-wear, est né de la rue, de la revendication à une forme d’écoute des défavorisés. Le luxe lui, est né de l’élitisme, de l’élégance et du glamour.
- Le luxe peut-il rattraper une jeunesse déjà trop en avance pour elle ?
Certes, bon nombre de marques de luxes ont su, elles aussi, réinventer cette appellation du street-wear, tels que Givenchy et Gucci. Cependant, le street-wear vient des années 90, ce moment où les noirs peinaient à se faire entendre, où le rap était à son paroxysme et que la culture noire, urbaine commençait quant à elle à grimper et atteindre les sommets de la mode d’aujourd’hui, où la jeunesse de la rue défendait cette valeur de créativité. Alors, la question reste posée : les marques de luxe d’aujourd’hui peuvent-elle rattraper cette jeunesse, aux idées créatives et fusantes ? Le street-wear peut-il à tout jamais renter dans les répertoires de luxe ?
Le street-wear s’est imprégné du mirage d’une nouvelle culture d’aujourd’hui : le mélange des genres, le luxe, le style bohémien, mais il a toujours su d’où il vient et garder ses valeurs. Alors que SUPREME soit Louis Vuitton, WE ARE NOT, car cette collaboration ne correspond pas aux valeurs des deux marques, mais émane d’une idée marketing absurde et illustre l’économie de la mode d’aujourd’hui : L’atteinte du chiffre d’affaires. Louis Vuitton n’a pas besoin de SUPREME pour connaître le succès et inversement. Le luxe, même s’il est en perte de vitesse face aux marques concurrentes, se réinventera toujours. Il a toujours su si bien le faire et continuera de le faire. Quant au Street-wear, il continuera de puiser dans ses valeurs, dans son histoire pour en ressortir toujours cette singularité.
Ces marques sont magnifiques et intemporelles, mais comme dit l’adage « mieux vaut être seul que mal accompagné» , elles sont mieux séparément.
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Jean-Jacques